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Mini essai 2 : La radio, un média populaire ou populiste?

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Contrepied du premier essai d’Audrey Thibault, accessible à l’adresse suivante : https://plus.google.com/101520103748739754726/posts.

La radio selon Audrey Thibeault : un outil indispensable pour les publicitaires

Tout au long de son essai, Audrey Thibeault  insiste sur le fait que le plus grand avantage de la radio pour la communication publique est qu’elle soit « portable ». Contrairement aux autres médias traditionnels, la radio ne sollicite en aucun cas la vue. Elle peut ainsi accompagner les individus dans une foule d’activités et atteindre une grande partie de la population.

Mme Thibeault soutient aussi que la prolifération de nouvelles chaînes radiophoniques au cours des dernières années a permis de segmenter l’auditoire québécois en plusieurs marchés de niche. Ainsi, les annonceurs peuvent facilement rejoindre leur public cible par une annonce diffusée sur les ondes de la bonne station. Elle affirme que c’est précisément cette facilité à s’adresser à un public spécifique qui a permis la publicité de se tailler une place de choix sur les ondes, « assurant du coup une source de revenu (sic) aux stations qui leur vendent leur temps d’antenne » (Thibeault, En ligne : 2012). Plus qu’un simple revenu d’appoint, la publicité est aujourd’hui la principale source de financement pour une grande majorité des stations. Cela explique pourquoi, de plus en plus, le contenu des émissions radio est destiné à plaire à un public prisé des annonceurs.

Mme Thibeault  termine en faisant valoir que le principal avantage de la radio pour la communication publique, sa portabilité, peut aussi s’avérer un désavantage. En effet, l’humain est naturellement attiré par les modes de transmission visuelle, qui sont plus concrets. Il est ainsi plus difficile d’attirer son attention avec une annonce radiophonique que télévisuelle.

La radio et la communication publique 

Je dois tout d’abord donner raison à Mme Thibeault  sur un point : l’apport de la radio à la communication publique est incontestable. Par définition, la communication publique représente « l’ensemble des phénomènes de production, de traitement, de diffusion et de rétroaction de l’information qui reflète, crée et oriente les débats et les enjeux publics. [Elle n’est pas] seulement le fait des médias mais aussi des institutions, entreprises, mouvements et groupes qui interviennent sur la place publique » (Beauchamp, 1991 : 13).

Ainsi, parce qu’elle permet aux individus d’avoir accès rapidement à une multitude de contenus informatifs et ludiques, la radio permet la prolifération des opinions sur la place publique. Elle contribue ainsi grandement à une communication publique ouverte et transparente.

La situation de la radio au Québec 

Avant de nuancer la vision idéaliste présentée par Audrey Thibeault, il est important de prendre connaissance de la situation particulière de la radio à Québec. Selon la firme BBM, six des sept stations de radio les plus prisées par les auditeurs de Québec en 2012 sont commerciales. Elles mobilisent à elles seules plus de 70 % du public. Les 30 % restant sont distribués parmi les nombreuses autres chaînes (Roux, En ligne : 2012). Cette situation ne date pas d’hier. Voici les résultats détaillés de la même étude menée par BBM en 2010.

Source: (Benjamin, En ligne: 2010)

Dans une étude intitulée « La radio à Québec et ses auditeurs », la Ligue des droits et libertés explique cette préférence marquée des auditeurs de la Ville de Québec pour la radio commerciale par la simple notion de besoins. Il semble en effet que le style de vie de la grande majorité des gens ne serait pas cohérent avec le contenu critique et très diversifié proposé par les radios d’État et communautaires. Ces dernières, plus indépendantes des annonceurs que les radios commerciales, sélectionnent leur contenu selon son apport à la vie publique et politique. La situation est toute autre pour les radios commerciales. Celles-ci proposent un contenu plus spécifique et uniforme composé principalement d’information légère et de divertissement, une programmation beaucoup plus adaptée au besoin d’évasion de la majorité (Couture et Fiset, En ligne : 2005).

La radio d’un point de vue journalistique

Dans son essai, Mme Thibeault affirme que « à la base, c’est au niveau de l’information que la radio est le (sic) plus utilisée, et ce l’était exclusivement dans les premières années » (Thibeault, En ligne : 2012). Selon elle, ce n’est que plus tard que le contenu des émissions radio s’est diversifié et commercialisé. À cela je répondrai : au contraire ! En effet, dès ses débuts, « la radio a été conçue comme un médium de divertissement (c’est bien ce que lui reprochaient ses détracteurs, justement). […]L’information ne pouvait pas d’ailleurs s’y développer librement et [l’a fait] en privilégiant les formes de la chronique, ou des causeries, qui reposaient davantage sur la compétence oratoire du quasi conférencier que du rapport direct à l’actualité » (Tetu, En ligne : 2012).

À la lumière de ces informations et en considérant la prépondérance des chaînes commerciales à Québec, il est impossible de nier que le contenu de la radio est aujourd’hui beaucoup plus adapté aux besoins des publicitaires qu’à ceux des journalistes. En effet, « peu importe ce que prétendent les diffuseurs, [la radio] n’est pas qu’une entreprise de service à la communauté où l’on y défend la liberté d’expression et le droit à l’information.  C’est avant tout, un produit monnayable et dont on vend le contenu » (Roux, En ligne : 2012).

Ce n’est plus à prouver : pour les stations radiophoniques, l’attention des auditeurs vaut de l’or. Tout est donc mis en place afin de la capter et de la conserver. Ainsi, parce qu’il s’inscrit dans une visée et un contexte particuliers, le travail du reporter radiophonique est très différent de celui d’un journaliste oeuvrant pour un quotidien ou une station de télévision.

Selon Jacques Larue-Langlois, c’est dans la pratique que le travail d’un journaliste radiophonique diffère de celui d’un journaliste traditionnel. Théoriquement, leur tâche est très semblable. Elle « consiste essentiellement à décrire ce qu’il voit, ce qu’il entend. Il doit s’en tenir aux faits, à ce que ses sens ont perçu ». Il doit diffuser ce qu’il considère important pour le débat public (En ligne : 2005). Il est toutefois facile d’imaginer que, vu l’objectif commercial de la majorité des chaînes de radio, le but premier de leurs reportages est de plaire au public. Et le commentaire est à la mode. Désormais, les journalistes radios sont davantage des chroniqueurs et des narrateurs que des reporters.

L’impartialité et le ton neutre qui caractérisaient autrefois le discours journalistique ont aujourd’hui laissé place à des propos colorés et parfois démagogiques. Le contenu n’est plus sélectionné selon sa pertinence, mais selon l’impact qu’il a sur les cotes d’écoutes (Serano, en ligne : 2012). C’est en effet selon ces dernières que les stations de radio sont en mesure de fixer leurs tarifs pour les annonceurs. C’est simple. De grosses cotes d’écoutes sont synonymes d’une grande exposition aux messages publicitaires et, par le fait même, de gros revenus.

Ainsi, la plupart des stations de radio suivent en direct l’évolution de leurs cotes d’écoute afin de modeler leur programmation. La directrice de RDI, Luce Julien, affirme que « la durée d’une cote d’écoute est de sept ou huit minutes. » (dans Parent, En ligne : 2010). Elle affirme que de suivre leur évolution permet de faire des choix éclairés en direct. Une forte tendance se dessine dans les préférences des auditeurs : l’actualité courante est beaucoup moins populaire que les opinions et les faits divers. À la question « Commentaire ou documentaire ? », la réponse est simple.

La radio poubelle : les cotes d’écoutes à tout prix.

La radio d’opinion, rebaptisée « radio poubelle » par ses nombreux détracteurs, gagne en popularité à Québec depuis quelques années. Son caractère commercial n’est plus à prouver et son refus des normes journalistiques pousse à l’extrême le propos de mon essai. « Par la production d’opinions instantanées, sans cadre d’analyse, sans démonstration, sans mesure ni nuance, l’objectif de [la radio poubelle] est d’attirer des auditeurs en nombre toujours plus grand » (Cyr, En ligne : 2012). Cette radio s’adresse spécifiquement à un public boudé des autres stations et qui a soif de contestation. Dans son discours, la radio poubelle puise dans l’actualité une anecdote facile à instrumentaliser afin de toucher les auditeurs.

Encore une fois, c’est en terme de mode et de consommation qu’il faut tenter de comprendre l’existence d’une telle radio. Elle n’est en aucun cas née d’une volonté d’informer et de participer au débat public. Elle est apparue parce qu’un homme d’affaires a vu en elle un moyen efficace d’atteindre un public prisé de certains annonceurs. Et si ce public est rebuté par les propos neutres des journalistes ? Tant pis. Il faut donner au public ce qu’il désire, c’est-à-dire un discours démagogique et des propos contradictoires, qui ne sont bons qu’au moment où ils sont prononcés. La vidéo suivante, bien qu’elle soit plutôt humoristique, illustre parfaitement mes propos.

Source : (Youtube, En ligne : 2010)

L’avenir de la radio à Québec

Qu’on la considère comme un outil essentiel pour les publicitaires ou comme une cause certaine de l’appauvrissement du genre journalistique traditionnel, il est pertinent de se questionner sur l’avenir de la radio généraliste au Québec. Avec l’apparition constante de nouvelles technologies, le marché de l’information et du divertissement est en constante mutation. La radio satellite, par exemple, offre à ses auditeurs un contenu à leur goût et sans publicité. La popularité de cette radio payante tient au fait qu’elle offre à ses auditeurs des centaines de chaînes spécialisées. Bien que les radios généralistes choisissent leur contenu afin de plaire à leur auditoire, elles devront redoubler d’effort afin de survivre à la radio satellite, comme elles ont survécu à l’arrivée de la télévision. Avec les tendances actuelles, il est fort probable que leur démarche se fera, encore une fois, au détriment des reportages de fond, des analyses et des propos journalistiques.

BIBLIOGRAPHIE

Beauchamp, Michel. 1991. Communication publique et société. Repères pour la réflexion et l’action. Boucherville : Gaëtan Morin éditeur, 403 pages.

Benjamin, Guy. 2010. « Sondage BBM: l’auditoire de CKOI explose ». 3 décembre. http://www.lapresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/television-et-radio/201012/02/01-4348687-sondage-bbm-lauditoire-de-ckoi-explose.php. Consulté le 25 novembre 2012.

Couture, Patrick et David Fiset. 2005. « La radio à Québec et son auditoire ». En ligne. 29 avril. http://www.fss.ulaval.ca/cms/upload/soc/fichiers/radio20_fisetcouture_.pdf. Consulté le 25 novembre 2012.

Cyr, Marc-André. 2012. « Radio X : dans l’œil du jarret ». Journal Voir. En ligne. 29 octobre. http://voir.ca/marc-andre-cyr/2012/10/29/radio-x-dans-l’oeil-du-jarret/. Consulté le 25 novembre 2012.

Larue-Langlois, Jacques. 1989. « Le reporter radio ». En ligne. http://www.cyberjournalisme.com.ulaval.ca/module0.2/0.2.4_reporteradio.php. Consulté le 25 novembre 2012.

Parent, Jean-François. 2010. « La guerre des réseaux ». En ligne. Mai. http://www.fpjq.org/index.php?id=119&tx_ttnews%5Btt_news%5D=16582&tx_ttnews%5BbackPid%5D=278&cHash=a28af99268. Consulté le 25 novembre 2012.

Serrano, Yenni. 2012. « L’objectivité journalistique : droit des citoyens, devoir des journalistes ? ». En ligne. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index .php?id=914. Consulté le 25 novembre.

Roux, Serge. 2012. « Cotes d’écoute radio novembre 2011 à février 2012 ». En ligne. 9 mars. http://blog.rouxmedia.ca/radio-television-medias-sociaux-web-facebook-twitter/cotes-decoute-radio-novembre-2011-a-fevrier-2012/. Consulté le 25 novembre 2012.

Tetu, Jean-François. 2012. « Le temps de l’émetteur et le temps du récepteur ». En ligne. http://edc.revues.org/2684?lang=en#tocto1n1. Consulté le 25 novembre 2012.

Thibeault, Audrey. 2012. « Essai 1 ».  En ligne. 14 octobre. https://plus.google.com/101520 103748739 754726/posts. Consulté le 25 novembre 2012.

Youtube. 2010. « Infoman et la radio poubelle de Québec ». En ligne. 31 janvier. http://www.youtube.com/watch?v=RKc8uh86xTQ. Consulté le 25 novembre 2012.



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